Posted by laurentpailhes

A Phu Quoc

A Phu Quoc, je suis devenu fou
A cause de ces arbres trop piquants
Et de ces coqs en cages
Qui me dévisageaient

A Phu Quoc, je t’ai cherché partout
J’ai balayé la piste rouge
Fui la poussière des pièces vides
Dans un taxi climatisé

A Phu Quoc, je me suis mouillé jusqu’au cou
Avec des gens très haut placés
J’ai goûté tous ces fruits étranges
Sur une île en tôle ondulée

I can’t hear your soul
I can’t hear your soul
Non loin, non loin d’ici

A Phu Quoc, j’ai vu le mont Ventoux
Et des vaches qui jouent au ping pong
Et des parterres de poivre orange
Parfumés, abandonnés

A Phu Quoc, des poissons sèchent debout
D’autres bougent au bout du fil
Je n’ai rien demandé en échange
J’avais bu trop d’eau salée

I can’t hear your soul
I can’t hear your soul
Non loin, non loin d’ici

A Phu Quoc, je suis devenu saoul
A trop faire de tour de piste
J’ai cru me baigner dans le Gange
Près d’un palmier déraciné

Tout est ensuite devenu flou
J’ai voulu devenir bouddhiste
On m’a fait revêtir un change
Au pied d’un drapeau étoilé

I can’t hear your soul
I can’t hear your soul
Non loin, non loin d’ici

Le train

Sur un siège usé d’un train à grande vitesse nous ramenant à la période de nos trente glorieuses
Dont la seule évocation entraîne des mélodies d’époque encore si actuelles pour nous qui les avons connues.
Nous marchons, en équilibre, sur un fil, d’autres tombent mais nous marchons.
Nous vacillons parfois, l’exercice est périlleux et cauchemardesque pour celui qui nous observe de plus loin.
Ces trains roulent encore et leur déplacement s’apparente à une forme d’immortalité grecque suggérée en l’espèce par un objet toujours en mouvement.

Nous les empruntons, nous voguons toujours sur ce fil de soie qui se déroule comme par magie devant nous.
Une odeur caractéristique de tissu suranné et surexploité nous rappelle que le temps a passé
Mais le train continue sa route, ou devons-nous plutôt parler de voie
Mais le train continue sa route, ou devons-nous plutôt parler de toi
Moi, je n’ai plus rien aujourd’hui que tu t’en vas
Moi, je n’ai plus rien aujourd’hui.

Le véhicule a trouvé sa voie, dès le début. On l’a posé là, et c’était fait. Pas de question. C’était parti pour au moins trente ans. Ça roule, ça déroule, toujours pareil, toujours fidèle, presque toujours à l’heure. Miraculeux.
Et nous, pauvres frêles apprentis en quête d’un destin que la grande vitesse permet de rapprocher. Nous sommes là, et ça fonctionne toujours. Incroyable.
La vitesse raccourcirait l’effet du temps. Cela doit pouvoir se vérifier dans une des théories quantiques.

Et les seuls indices qui nous restent de ce passage sont un accoudoir défait, des rayures démodées et l’absence de prises de courant en nombre suffisant.
On a pigé le truc et on continue de jouer parce que le train laisse des marques invisibles mais indélébiles dans nos cœurs.
Mais le train continue sa route, ou devons-nous plutôt parler de voie
Mais le train continue sa route, ou devons-nous plutôt parler de toi
Moi, je n’ai plus rien aujourd’hui que tu t’en vas
Moi, je n’ai plus rien aujourd’hui.

Qu’elles montent toutes

Brune aux longues jambes en première classe à dix heures
Blonde aux bas noir au regard qui interroge
Des doigts fins zélés un peu timides
Et des courbes aux virages dangereux

Qu’elles montent, qu’elles montent toutes
Qu’elles montent, qu’elles montent toutes

Qu’elles montent l’escalier en colimaçon
Qu’elles s’attardent pas trop longtemps dans ce qui me sert de salon
Qu’elles entrent toutes sans frapper dans la pièce à côté
Qu’elles prennent entre leurs doigts ma bouche enflammée et gercée
Par de longs moments d’hiver, d’hiver

Qu’elles montent, qu’elles montent toutes
Qu’elles montent, qu’elles montent toutes

Belle classique avec un pardessus à mi-hauteur
Grands yeux noirs qui à eux seuls engloutissent le regard
Visage surligné avec soin pour mieux paraître
Poitrine généreuse en quête de sensations masculines

Qu’elles montent, qu’elles montent toutes
Qu’elles montent, qu’elles montent toutes

Qu’elles éteignent la lumière et monte le son
Qu’elles déambulent dévêtues dans le salon
Qu’elles se rafraîchissent à la fontaine glacée
Qu’elles prennent entre leurs doigts ma bouche enflammée et gercée
Par de longs moments d’hiver, d’hiver

Qu’elles montent, qu’elles montent toutes
Qu’elles montent, qu’elles montent toutes

Capitaine

Ce capitaine de paquebot flegmatique
Boit du Champagne et scintille comme une étoile qu’il n’est pas
Ses absences sont devenues quasi systématiques
Il aime confier la barre à la chance qu’il n’aura pas

La chance, ce n’est pas non plus le trait caractéristique
De ces milliers de gens qui se trouvaient ce soir au même endroit
Lorsque, d’un coup d’un seul, il prit la décision diabolique
De faire prendre un virage au bateau qui filait tout droit

Machine arrière toute

Tandis que le vaisseau flirte avec la roche d’une île
Ce capitaine jouit dans une maîtresse empruntée au hasard
Lustres grandiloquents, assiettes et autres ustensiles
Sont maintenant quelques-uns des objets qui s’expriment et se marrent

Et tandis que la foule commence à courir dans les coursives
Le brave capitaine s’enfuit en évitant les miroirs
Ô rage, ne voilà-t-il pas que les officiers l’imitent
Délaissant à leur sort les touristes sur leur nénuphar

Machine arrière toute

Moi qui voulais tant voir Syracuse
Toi qui aimais tant les mers du sud
Nous sommes allés en vitesse de croisière
Nous abimer en pleine mer

Ce capitaine fustige en bloc les charges des assises
Les protagonistes jouent à Questions pour un champion
Et ce sont eux, les vacanciers qui s’activent et défilent
Et se retrouvent seuls une nouvelle fois sur le pont

D’un bateau fantôme réquisitionné par la justice
D’un vrai théâtre en bois qui sert de tribunal pour l’occasion
Et de ce point de chute, ils tenteront bien, qu’on se le dise,
De panser leurs plaies rougies par le sel et la séparation.

Machine arrière toute

Du nouveau  ?

Moi, je me suis abonné à une chaîne de sport qui fait aussi du porno XXL. Difficile de faire la différence.
Puis de toute façon, je m’en fous puisque je regarde plus la télé depuis que les messages d’info entrent par tous les interstices possibles de mon anatomie.
J’ai bien tenté de tout résilier mais n’y suis pas arrivé. Alors, la disponibilité de mon cerveau est largement exploitée par tous les commerçants du monde entier qui veulent me piquer mon oseille.
Tous les commerçants, disais-je, sauf le tabac d’en face qui n’a pas le droit de faire de la pub. De toute façon, pas besoin, la nicotine crée des besoins bien plus puissants que les messages subliminaux. Y’a qu’à voir ce qui écrit sur les paquets de clope que l’on continue de vider de leur substance pour mieux nous vider de la nôtre.

Aucune, aucune issue en vue. Aucune, aucune issue en vue.
Du nouveau de votre côté ? De la nouveauté ?

Avec leurs sites de rencontre à la con, la solitude est redevenue une maladie honteuse.
De toute façon, je m’en fous, j’suis de retour d’une virée trash où je ne sais plus à quel moment j’ai cessé d’être courtois et fidèle. Dans l’anticipation du moment où les créanciers crèvent de leur maladie compulsive et de leur acharnement à harceler. Dans l’espoir de retrouver quelques moments de félicité avec une certaine forme de partage, j’abrège les souffrances d’une chanson trop longue à écouter et qui pourtant reste impossible à écourter.
Nous ne sommes que des branleurs en costume de Ferrari gominés au gel poisseux de l’appétit vorace de consommer pour posséder.

Aucune, aucune issue en vue. Aucune, aucune issue en vue.
Du nouveau de votre côté ? De la nouveauté ?

Les porteurs d’espoir et de belles paroles ne sont ceux qu’on croise le soir aux guignols. Les porteurs d’espoir et de belles paroles portent un costume sombre.

Aucune, aucune issue en vue. Aucune, aucune issue en vue.
Du nouveau ? Vous avez du nouveau ? Quoi de neuf ?

Ami

Ami, entends-tu les sirènes qui émettent des sons déchirant le cœur du silence ?
Le rivage n’est plus très loin ; il parait qu’on y parle français. Ça tombe bien, j’ai faim.
Je n’ai point vu cette femme qui me regardait de près pendant le voyage. Maintenant que tu me dis qu’elle m’observait, je la cherche.
Nous allons accoster. Peut-être est-elle déjà à terre, mais par quel miracle y serait-elle ?

Ami, entends-tu les fantômes des doux noirs esclaves impatients. Ils allument tellement de feux follets que je me demande.
Ce qui se joue là-bas. J’aimerais boire quelque chose de chaud. Laver ma peau et sécher mon corps, vendre mon âme.

Ami, entends-tu les clameurs qui s’élèvent de cette terre que j’aurais tant aimée si elle s’était d’elle-même affublé du qualificatif d’accueil ? Il parait que le mal vient de chez nous. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il est dans nos bagages. D’ailleurs, je n’en ai pas, de bagages.
Et sur la berge qui s’ignore toujours bienfaitrice de l’humanité, nous faisons encore partie de ceux qui sont encore en sursis. Car le malin rode et à défaut d’avoir pu faire chavirer ce semblant de navire, il a installé des barbelés sur notre chemin.

Ami, entends-tu les fantômes des doux noirs esclaves impatients. Ils allument tellement de feux follets que je crains.
Ce qui se joue là-bas. J’aimerais boire quelque chose de chaud. Laver ma peau et sécher mon corps, vendre mon âme.

Ami, entends-tu les fantômes qui trépignent d’impatience. Ils allument tellement de feux follets que l’odeur du souffre s’accroche dans mes narines.

Ami, entends-tu les fantômes des doux noirs esclaves impatients. Ils allument tellement de feux follets que je fuis.
Ce qui se joue là-bas. J’aimerais boire quelque chose de chaud. Laver ma peau et sécher mon corps, vendre mon âme.

Ami, toi que j’ai laissé derrière, avec mon goût, ma voiture et ma veste, prends soin des miens.

Je vous écris

Bonjour , merci pour votre message
Rencontrons-nous plutôt à mon retour de congés
J’aimerais vous écrire en anglais
je crains de ne pas être à la hauteur

Vous n’entendez plus le tumulte qui résonne un peu partout ?
Aussi j’aimerais plutôt vous communiquer
Ma nouvelle proposition en anglais
Pour mieux se connaître de bout en bout

Et c’est autour d’un petit déjeuner
Que nos langues se sont déliées
Il n’a point été besoin de les traduire en français
Le moment se prêtait à une mise au point sur la convergence de nos envies
Je vous ai regardé, j’ai vous ai exploré
Puis vous vous êtes enfuie par une porte dérobée
Depuis de nouvelles figurines se sont mises à danser sur une chanson sans paroles

Je vous écris d’une lenteur abyssale
Je vous écris d’une lenteur abyssale

Je vous ai attendu puis me suis demandé
Si je savais bien m’exprimer en anglais
Car, de fait, votre porte est restée close alors que je n’avais même pas encore tenté de vous séduire
Un peu comme si vous aviez déjà imaginé le pire

Je ne pourrais pas vivre à Berlin Est

Je ne pourrais pas vivre à Berlin Est
J’aurais trop peur que, du jour au lendemain,
Ils reconstruisent un mur

Je devrais alors me salir les mains
A creuser un tunnel improbable
Pour courber le sens du futur

Je ne pourrais pas vivre trop à l’est
J’aurais trop peur d’être mis sur table d’écoute
Moi qui aimerais pourtant tant qu’on m’écoute

Je devrais alors te parler avec les mains
Et user de phrases à double sens
Pour exprimer des doutes

Je ne pourrai pas non plus devenir Mexicain
C’en est fini du rêve américain
Depuis qu’un mur n’est plus hypothétique

Ne sommes-nous pas ? Ne sommes-nous pas ? Ne sommes-nous pas des bêtes de somme ?

A l’Ouest au moins il y a du nouveau
Les vases sont hermétiquement clos
Et on ne communique plus

Que par texto ou sur les réseaux sociaux
J’aimerais tant te faire l’amour
Autrement qu’au pied d’un mur

Et si on reprenait tout du début
Il y a bien un truc qu’on n’a pas vu
Pour se retrouver ainsi distancié

Ne sommes-nous pas des bêtes de somme ?

La Dolce Vita s’est barrée de l’Italie
Là bas aussi on refoule du goulot
Au lieu de reconstruire des ponts

Et moi je suis toujours bloqué ici
Dans une geôle systémique
Pour avoir écrit des mots sur du son

Grisaille

On est dans la grisaille et le froid
Sois prudent ce soir
Attention… Brouillard, verglas et sanglier

A la radio, la même rengaine
Et sur la route, des destins basculent
Dans ma tête, les idées s’éteignent

Prudence et rigueur sont de mise
On nous bassine encore avec une crise
Une exceptionnelle, dit-on, un très bon cru

Et les kilomètres défilent sur le compteur digital
Et dans le noir de la forêt qui avance, monte et descend
Ma vie ne tient plus qu’à un fil
Mais curieusement, un sentiment chaud s’installe
Et envahit mon corps avide de reconstruire

Pendant que les uns leurs couteaux aiguisent
Prêts à se jeter sur ce qui va ressortir des décombres d’une mort annoncée

Les autres préfèrent ne pas regarder ce qui les attend
Tellement le spectacle est effrayant
Et leur impuissance implacable

Des feux de croisement se croisent
Et les platanes se toisent
Prêt à accueillir la prochaine déconvenue

Et les kilomètres défilent sur le compteur digital
Et dans le noir de la forêt qui avance, monte et descend
Ma vie ne tient plus qu’à un fil
Mais curieusement, un sentiment chaud s’installe
Et envahit mon corps avide de reconstruire

Je n’ai plus de chaussures de ville, je les ai laissées dans le métro
Depuis, je conduis pieds nus.
Plus de chaussures de ville, elles sont dans le métro, dans le métro.

How it is

She will look at you quickly
She will smile upon request
She’ll remain by your side always
She will stick to your mind all the time that is passing by
But she’ll stand like a rock in the middle of your storm

I want to show you how, I want to show you
I want to show you how, I want to show you
How it is when loves knocks on the door

She might get in a hurry
She might ask to settle down
She’ll treat you like a child sometimes
She will play tricks to your mind all the time that is passing by
But she’ll stand like a rock in the middle of your storm

I want to show you how, I want to show you
I want to show you how, I want to show you
How it is when loves knocks on the door

Be gentle to the one that takes too much of your life
Stay in love with the one that carries your mind
Be willing to follow the path that she shows you
Along the line of your soul

I want to show you how, I want to show you
I want to show you how, I want to show you
How it is when loves knocks on the door

Nos Afriques

Il faisait mauve et chaud au bord d’un lac d’Afrique
Et les zincs de nos nuits en des coulées superbes
Etaient des routes bleues vers de furieux tropiques
Où se meurt la mémoire et se taisent les verbes
Il pleuvait des absinthes habillées de tragique
Et des rires larmaient nos passions primordiales
Nous rêvions, je le sais, de lendemains magiques
Pour sauver nos cancers d’une mort lexicale
Qui aura eu cette chance ? Qui aura cette chance
De fouler le sol de nos Afriques, de nos âmes aussi qui parlaient d’Amériques

As-tu vraiment aimé ces totems en partance
Où tu buvais mes paroles et pillaient mes délires ?
Dis moi, qu’as-tu été qu’une impossible chance
Qui se joue au matin quand les corps se chavirent ?
Et puis, qu’avons-nous fait de nos nocturnes danses ?
Hormis des rades noires où guettent des vampires
Et des cadavres fous qui s’ennuient de leurs transes
Il se fait tard ma vie pour redire nos ires
Qui aura eu cette chance ? Qui aura cette chance
De fouler le sol de nos Afriques, de nos âmes aussi qui parlaient d’Amériques

Assassine et charnue comme sont les ivresses,
Il faisait chaud et mauve au sein de nos Afriques
Et je prenais ton corps pour en faire des tresses
Pour arrimer nos cœurs et remarier nos musiques
Voici venu le temps d’une solitude étrange
En désirs dilués dans une nuit obscène
Le port est délavé de la boue et de la fange
Et me voici tout seul à la dernière scène
Qui aura eu cette chance ? Qui aura cette chance
De fouler le sol de nos Afriques, de nos âmes aussi qui parlaient d’Amériques.

Sur un texte inspiré de Pierre Michel

Lève-toi

Il était un temps que l’on pensait oublié
Quelques instants, quelques années
Finalement moins long qu’il n’y paraît
Juste le temps de se retrouver

Lève-toi
Lève-toi
Les temps ont changé

Il était un temps de toute beauté
Soudain le vent se mis à souffler
Jusque dans les toiles de ton araignée
Jusqu’à ce qu’enfin tu te mis à bouger

Lève-toi
Lève-toi
Les temps ont changé

Combien de temps auras-tu expié
Pour que confondant le présent du passé
Tu sais plus si attendre c’est capituler
Tu sais plus qui est maître sur l’échiquier

Pour écouter l’album Echos, cliquer ici

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