On va y aller mollo. De quoi s’agit-il ? De chansons à texte. En tout cas, poétiques. Ou alors, de nouvelles arrangées en charades et mises en rock. Voilà, c’est plutôt ça. Des textes littéraires déclamés sur des emballements de batterie, des ondulations de basse, quelques riffs, power chords, arpèges bien ficelés, contrechants de guitare, et une voix qui porte.
Pailhes vit à Marseille, ce que trahit parfois une toute petite pointe d’accent, comme ces accords suspendus trahissent son initiation par des groupes de rock. L’album, qui a démarré dans l’incantation, s’ouvre peu à peu à la mélodie. L’auteur, car c’en est un, commence alors à chanter pour de bon, et ses guitares aussi.
Les textes parlent de mouvements de court terme, moyens de locomotion, bateaux, trains, débarcadères, passagers, exotismes intérieurs, et du surplace de long terme auquel sont condamnés les vivants, d’horizons aspirants et de haine des murs : « Je ne pourrais pas vivre à Berlin Est/ J’aurais trop peur que, du jour au lendemain, ils reconstruisent un mur/ Je devrais alors me salir les mains/ A creuser un tunnel improbable/ Pour courber le sens du futur ». Dans ce jeu, le hasard est un atout instable (« Il aime confier la barre à la chance qu’il n’aura pas/ La chance, ce n’est pas non plus le trait caractéristique/ De ces milliers de gens qui se trouvaient ce soir au même endroit »).
Tout le mérite d’une œuvre de ce genre, c’est sa franchise et le risque qu’elle sous-tend. Autant de témérité pouvait finir dans un écrabouillage d’autant plus cuisant que l’auteur se dépoile sans protéger ses arrières. Pailhes fonce tout droit, il a ses deux potes avec lui, Vincent Ouriet le bassiste et Jules Pelletier le batteur, il sait qu’à un moment, ses déclamations littéraires vont s’élever vers la chanson et que la mélodie viendra comme un sacre.
Christian Casoni